Descubre la obra contemporánea de Mustapha BELKOUCH
La question de l'appartenance - toujours importante car elle permet de mesurer l'espace mental dans lequel l'individu se déplace - devient essentielle quand on se penche sur le cheminement et l’œuvre de Mustapha Belkouch. Il est d'ici et d'ailleurs comme ses paysages renvoyant autant à un état naturel du monde qu'à une évocation de ses rêves intérieurs.
Né en 1951 à Casablanca, dans l'ancienne médina qu'il quittera à l'âge de dix-sept ans, il vit à Montpellier depuis des années. Des années d'enfance et d'adolescence heureuses près de parents aimants. Une vie simple. Un père qui gagne sa vie en vendant du poisson au marché central de Casablanca et soutient son fils dans ses goûts pour le dessin, un fils très calme, respectueux de l'école, et contemplatif. J'ai eu une jolie enfance, dit Mustapha, sous la protection paternelle.
Très tôt il apprend à aimer la campagne où sa famille possède une petite maison sans eau ni électricité, mais où l'on prend ses repas sur la terrasse entouré par les hirondelles, dans l'odeur du jasmin. Je peignais sur les plats en terre pour cuire le pain, des paysages, des personnages.
Il n'a pas le choix de rêver à une carrière d'artiste bien qu'il se sente porté par ce goût fort de créer car la famille est modeste. Ce qu'on va lui proposer il va l'accepter. Avec un diplôme (certificat d'étude technique) en poche il peut accéder à son rêve de découverte de l'ailleurs car il a été choisi avec d'autres jeunes marocains par l'Office de l'émigration français pour répondre à la demande des industriels français en manque de main d’œuvre. Il va travailler dans les hauts fourneaux, les aciéries d'Hagondange en Lorraine.
La séparation avec le Maroc, la famille, les amis, tout un environnement familier lui fait vivre une grande souffrance. L'isolement des jeunes gens est total. En pleine adolescence il est précipité dans le monde des adultes. Vivant dans des foyers, loin de la population, les jeunes gens doivent s'habituer à la solitude, à la fumée des usines, aux architectures des cités.
Il se sent alors orphelin. Il décide de suivre des cours de dessins par correspondance. Il découvre des livres sur l'histoire de l'art qu'il reçoit par cette école. Il lui faut avancer, découvrir et décide de voyager en Europe (Allemagne, Belgique, Hollande, Grande Bretagne, Suède) et surtout de se perfectionner dans le métier qu'il exerce, sans perdre de vue son dessein artistique.
Se succèdent 5 années de formation pour perfectionner ses connaissances de la métallurgie. Il travaille en alternance dans les chantiers navals de Dunkerque comme ajusteur pour la construction des Navires.
Sa vie est une lutte continue. Stages après stages, dont plusieurs à Istres, Amiens, Montpellier où il engrange un savoir en mathématiques, en électricité et électronique. Il aime apprendre.
Les années passent et il s'installe avec sa femme française, Danièle et ses deux enfants à Montpellier. On est en 1989. Tout au cours de ces années, en travaillant beaucoup comme technicien polyvalent, il apprend. Il choisit depuis une vingtaine d'années de travailler en intérim à mi-temps, pour pouvoir subvenir aux besoins familiaux et de peindre en toute indépendance. Il peint des paysages, des portraits figuratifs et travaille le métal, pour lui cette fois.
En pleine maturité il sait qu'il a acquis beaucoup d'aisance dans l'appréhension des matériaux. Ses gestes se sont précisés. Le désir de questionner les matériaux le conduit à faire de la gravure et lorsque la Maison de la gravure méditerranée de Castelnau l'invite en résidence il peut donner son plein élan pour travailler sur toutes les nuances de l'ombre et de la lumière. Il aime jouer avec les supports, tantôt le papier, tantôt le métal ou le carton, le bois. Faire vibrer la couleur ou explorer les nuances du noir et blanc.
Du papier au livre sa trajectoire l'amène à rencontrer des poètes, James Sacré, Abdellatif Laâbi, Abdallah Zrika. Il n'est plus isolé. De temps en temps il retourne au Maroc, courts séjours où il commence à nouer des liens avec le milieu artistique marocain. En 2012 il est invité à faire une résidence dans les ateliers de gravure de l'Institut français de Tétouan où l'École des Beaux-Arts dirigée par l'artiste Abdelkrim Ouazzani est très active. D'ailleurs Abdelkrim Ouazzani l'encouragera dans sa démarche.
Son appartenance il la vit de l'intérieur, l'analyse rarement mais sent qu'il appartient à deux mondes qu'il a su réunir par des fils de plus en plus forts. Le soleil de l'enfance et des ciels, l'éblouissement devant les grandes œuvres des musées, les ciels gris de Lorraine et du nord la dureté du travail, ses deux garçons qui grandissent, promettent, la présence sûre de Danièle, tout ce qui irrigue la vie, la malmène et la comble est transfiguré aujourd'hui dans les grandes toiles, les étonnants « paysages ».
Il dit ce qu'il est, ce qu'il vit, à grands coups de pinceau trempés dans l'acrylique. Et l'élan sûr, l'élan de l'âme et du corps ne trompe pas. Mustapha Belkouch ne joue pas. Il peint parce que cela lui est indispensable.
Certes, il connaît l'aridité de l'Atlas, ses failles, ses arêtes, ses cavernes qui ressemblent à celles de l'océan. L'océan le tient tout autant que la terre. Il les a pris tous les deux comme miroirs de sa vie. Et c'est étonnant comme sa peinture s'est allégée ces dernières années. Il a gommé l'intrusion des couleurs, déterminé un choix de bruns, de bistre, de bleu, parfois une pointe de rouge. Escamotant la dérive des écoulements des pierres ou des lames, pour retenir le seul mouvement.
En face d'un diptyque datant de 2014 l’œil est invité à suivre la dissipation du gris et de traces de bleu vers un horizon d'une légèreté infinie, à ne point s'arrêter dans la stagnation brillante d'un cercle d'eau ou de lumière, mais de s'attacher au mouvement progressif du voyage intérieur. Regardons une suite de peintures sur bois de la même année, avec des enchaînements et des ruptures, les traces de rouge accentuant le refus de la linéarité. Et à nouveau de grands tableaux sur toile où un bouleversement des plans, des irruptions de couleur déportent vers un monde de contrastes et de violence contenue.
Voyant, il ne se met jamais devant l'horizon ou une chaîne de montagnes, ni devant la mer. Il sait la houle du désir de vivre, celle de la colère, de l'amour, de la beauté. Il les peint, dans une adhésion totale avec la Nature. La peinture se déploie et avec elle les nuances des états de l'âme comme celles des terres, des océans, et des ciels.
Nicole de Pontcharra Puygiron 2014
D’où viennent les peintures de Mustapha Belkouch ? Ni de l’art qui lui aurait été enseigné dans des écoles ou qu’il aurait vu en parcourant les musées d’Europe. Ni de la cohabitation avec la tradition marocaine de la calligraphie ou des teintures. Elles semblent naître d’aucun territoire, d’aucune culture connus. Pour autant, elle ne relèvent pas de ce que l’on appelle « art brut », un art au plus proche de fantasmes ou de contraintes intérieures incontrôlées. La longue expérience de son travail sur les métaux lui a enseigné, la rigueur, la précision, la puissance propre du matériau qui résiste au rêve et demande que la main et l’intelligence travaillent de concert. Ce que ses gravures pour lesquelles il ne cesse d’inventer de nouveaux outils poursuivent avec toute la légèreté d’une liberté conquise. Et ses peintures ? Elles se nourrissent d’un « paysage », celui de son enfance marocaine, mais que l’éloignement et la mémoire ont épuré et transformé. Non seulement dans ses apparences mais d’abord dans son sens : ce paysage n’est pas celui qu’habite (ou a habité) le peintre ; ni même celui qu’il chercherait à retrouver. C’est un paysage absent, un paysage qui recouvre l’absence de paysage. Il pourrait y avoir une nostalgie profonde dans ce monde qui s’est retiré. Belkouch en fait une « sagesse » : nous n’avons pas à nous attacher à la réalité des choses, fût-ce par les outils de l’art, mais leur éloignement, leur absence désigne un « vide » où l’esprit se découvre. Appelons cela une « Vision ». Elle ne donne rien à voir, elle ne fait rien apparaître qui ne soit ce qui procède de l’esprit seul, de son « paysage » le plus intérieur. De ses conflits comme de la sérénité retrouvée, de son chaos parfois et de son énergie aussi. Ici, ordre et désordre, formes, lignes et couleurs sont les moyens par lesquels la « Vision » lentement se conquiert et se déprend de tout ce qu’elle n’est pas. Cherchant le vide en elle aussi (là est tout son combat), pour ne pas avoir à s’attacher non plus aux apparences sensibles, au pouvoir de séduction de la peinture elle-même.
Pierre MANUEL 2015
CV
Expositions individuelles
2017 : - Centre culturel du CHU Montpellier, France.
2016 : - Galerie 13 de Montpellier, « Paysages énigmatiques », France.
- Espace d’Art contemporain, Bédarieux, France et performance lors de la Nuit Européenne des
Musées.
2015 : - Galerie nationale Bab Rouah, « Horizons », Rabat, Maroc.
- Villa des arts, Casablanca., Maroc.
- Centre Fernand Arnaud, St Clément de Rivière, France.
2014 : - Galerie Mohamed Drissi, Tanger, Maroc.
2013 : - Galerie Artothèque, Casablanca, Maroc.
- Institut National des Beaux-Arts de Tétouan, Galerie Mekki Meghara, Tétouan, Maroc.
2012 : - Village des arts et métiers, « Espaces et résonnance », Octon, France.
2011 : - Maison de la gravure Méditerranée, Castelnau-le-Lez. France.
- Université de Toulouse II le Mirail Le Tube, « Perception », (en collaboration avec Cultures du
CIAM et Horizons Maghrébins), Toulouse, France.
2008 : - Galerie Saint-Ravy de Montpellier, « Perceptions », France.
- Galerie Agora, « Perceptions « », (inauguration de la galerie), Marrakech. Maroc.
2007 : - Musée Empereur Antonin. Université Paul Valéry, Montpellier. France.
- Chapelle Saint-Hippolyte de Loupian, France.
Expositions collectives
2021 : - Espace d'Art Contemporain : "La collection", Bédarieux, France.
Elle réunit une partie des oeuvres de nombreux artistes acquises au fil des années tels que C.Abad, P.Baillet, E.Pignon,
Y.Taillandier...et la collection privée de Ernest Pignon-Ernest, Pierre Alecchinski, Henri Cueco, Hervé Di Rosa, Claude
Viallat.
2018 : - Tour Philippe le Bel : "Regard sur l'estampe contemporaine", avec le parrainage du Ministère de la Culture et de la
Communication, Villeneuve les Avignon, France.
Artistes : Maria Chillon, Patrice Vermeille, Dominique Louis Héraud.
2017 : - Galerie 13 , (Mustapha Belkouch, Paul Berginiat, Fabio Calvetti, Piero Mosti, Elisabeth Poiret,
David Vayer). Montpellier.
2016 : - 5e Biennale SUD estampes, Livres d’artistes, Espace culturel Jean Jaurès, Vauvert.
2015 : - Médiathèque de Teyran (Véronique Agostini, Mustapha Belkouch, Akané Kirimura, Ariane
Fruit, Stéphanie Cazaentre et Juliette Vivier), Salle du charron, France.
- 38 artistes d’art postal, Galerías Teresa Caballero y Juan Blanco, Centro Cultural, Palacio
Municipal, San Luis Potos, Mexique.
2014 : - Salon Arteyran, Salles communales du Camp de Liouse, Teyran.
2013 : - Gravure contemporaine, « Impression(s) », Mac'A et Maison de la Gravure Méditerranée,
Cloître Saint-Louis, Avignon, France.
2012 : - 12e Salon du Livre d’Artiste, exposition de la Maison de la gravure méditerranée, (Walter
Barrientos, Mustapha Belkouch, Laurence Briat, Vincent Dezeuze, Elisabeth Keh, Estelle
Lacombe, Saïd Messari, Patrice Vermeille), Carré d’Art hors Musée et Bibliothèque, Nîmes,
France.
- Gravures et livres d'Art, Octon, France.
- Gravures à Art Fair Lille, France.
- Biennale Internationale de Casablanca, Maroc.
- ART NÎM : Maison de la gravure Méditerranée, Nîmes, France.
2011 : - Galerie AL/MA : les éditions Méridianes présentent les éditions Al Manar: livres d'artistes.
- Artpage8 : rencontre biennale de l'estampe et du livre d'artiste, Octon, France.
2010 : - Galerie Agora, (Reem Al Faisal, Mohamed Boustane, Mustapha Belkouch, Asmae Alami et
Fatima Binet Ouakka), Marrakech.
- Galerie Dock Sud, Sète, France.
- Les chapiteaux du livre, Livres d'Art de gravures avec poèmes de Nicole de Pontcharra et James
Sacré, Béziers, France.
- ART NÎM : maison de la gravure Méditerranée, Nîmes, France.
2009 : - Palais des Congrès de Marrakech, Maroc.
- Galerie Ces’Arts, Casablanca, Maroc.
2005 : - Semaine marocaine à Montbazin.
- Musée d’Art Contemporain, « l’autre souffle du Sud », (Mustapha Belkouch, Mimouni El
Houssain, Mohammed Atif), Bédarieux, France.
2004 : -Rencontres francophones, Saint-Clément de Rivière, France.
2003 : - Musée des Troupes de Marine de Fréjus, France.
2002 : - Consortium artistique andorran, « El Cim de l’Art », Encamp, Andorre.
2001 : - VIIe salon international au palais des congrès de la Grande Motte, France
- Galerie de la Maison des arts plastiques et arts graphiques, MAGAP, Pézenas.
- Salon international de Kurashiki, Musée municipal des Beaux-Arts Japon.
(y reçoit le prix de la télévision Okayama).
- Méditerranée, nouvelles émergences, Centre Lacordaire, Montpellier.
2000 : - IVe salon international d’art au château de Valmy, Argelès-sur-Mer, France (y
reçoit le prix du thème « Méditerranée : Berceau des civilisations » et le trophée de la ville).
1999 : - 1er salon du cheval, Montpellier, France.
1998 : - Salle Pétrarque, Montpellier, France.